Voici donc un panorama de brèves et d’actualités du dommage corporel lequels, sont, pour la plupart, extraites du fil twitter du Cabinet durant le mois de mars 2017 :

  • Cour de cassation,  1ère Chambre civile, 22 février 2017, 15-21828 : intéressant arrêt sur le recours subrogatoire d’un assureur pour des prestations réglées à un organisme social étranger (autrichien au cas particulier) aux victimes d’un accident survenu en Turquie. Le tiers responsable critiquait l’arrêt qui l’avait condamnné en rappelant que c’est la loi du lieu de l’accident qui définit l’assiette du recours de l’organisme qui indemnise la victime de cet accident ; en l’espèce, l’accident mortel s’étant produit en Turquie, l’assiette du recours de l’organisme autrichien devait être déterminée en fonction de la loi turque applicable à l’indemnisation de la victime et non en fonction de l’indemnisation du préjudice telle qu’elle aurait été acceptée par les victimes et l’assureur français de l’auteur de l’accident. La Cour de cassation confirme l’arrêt en rappelant que : ” s’agissant de droits disponibles, la cour d’appel n’était pas tenue de rechercher la teneur d’un droit étranger relatif au fondement juridique de la demande de l’assureur à l’encontre des consorts X…, dès lors qu’elle n’avait pas été saisie d’une demande d’application d’une loi étrangère sur ce point “.
  • Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 février 2017, 16-81871 : Incidence professionnelle. Confirmation de l’arrêt (Aix-en-Provence,12 février 2016) qui indemnise la victime au titre de son incidence professionnelle en retenant un élément de son incidence professionnelle non soulevé par la victime (et dans les limites de la somme demandée pour ce poste de préjudice).
  • Passionnant article “ l’open data et la jurisprudence ” de Laure Lucchesi publié en supplément de la Semaine Juridique du 27 février 2017 et accessible au format .pdf :

    La justice, rendue au nom du peuple français, pourra ainsi voir ses données mises à disposition sous format ouvert et aisément réutilisable par tous les citoyens. Cette ouverture promet à la fois de renforcer la transparence du système judiciaire, d’améliorer la perception qu’ont les citoyens de la justice et des décisions prises et leur  confiance dans le système, de promouvoir des décisions efficaces et d’assurer l’accès des citoyens et des médias aux décisions de justice.

  • Les actes du colloque « La jurisprudence dans le mouvement de l’open data » qui s’est déroulé à la Cour de cassation le 14 octobre 2016 publiés dans « La Semaine Juridique – Édition Générale » n°9, du 27 février 2017 sont disponibles ici (lien direct vers le fichier .pdf) et la Cour de cassation a mis en ligne les vidéos permettant de le visionner en totalité. A cet égard, l’intervention de notre consœur Nathalie Metallinos (visible ici) explicite très clairement les limites de l’anomymisation (numéro de sécurité sociale dans les décisions, faculté de d’identifier les victimes par les faits de l’affaire ou les séquelles conservées). Sa conclusion sur l’éventuelle nécessité de “limiter ce que l’on met à disposition dans les décisions” est cependant inquiétante pour les les praticiens du dommage corporel : la jurisprudence sur l’évaluation des préjudice ne présente d’intérêt que si l’on connaît les séquelles de la victime !
  • CA Colmar, 9 février 2017 n° 15/04116 rendu en matière de CIVI : la victime est relevée de la forclusion encourue en raison d’une aggravation de son état de santé et ce alors qu’elle n’avait pas initialement demandé le bénéfice des article 706-3 et suivants (conformément à la jurisprudence du la Cour de cassation Cf arrêt en date du 30 juin 2016, n°15-21360). En revanche, la requête de cet agriculteur est rejeté en raison de l’absence de preuve quant à la causalité de sa maladie de Parkinson avec les pesticides employés (comme l’avait fait avant elle, dans un arrêt du 21 avril 2016,  la Cour d’appel de METZ à propos de l’empoisonnement d’un agriculteur par les produits phytosanitaires)
  • Cet arrêt est à rapprocher de celui rendu par la Cour de cassation, civile, 2èmeChambre civile, 23 mars 2017, 16-15139 qui rappelle, cette fois-ci en matière d’accident de la circulation, que la prescription des demandes initiales n’empêche pas la victime de solliciter réparation des préjudices découlant de l’aggravation de son état de santé.
  • Cour de cassation, 2èmeChambre civile, 2 mars 2017, 16-11986, Publié au bulletin, article 3 loi du 5 juillet 1985 (accident de la circulation) : la faute du piéton fautif qui était dans un “état de confusion mentale ou, à tout le moins, d’absence momentanée de discernement au moment de l’accident” n’est pas une faute inexcusable - commentaire ici et note de Denis note de Denis Mazeaud à la Gazette du Palais du 2 mai 2017.
  • Cour de cassation, 2ème Chambre civile, 2 mars 2017, 16-15.562, Publié au bulletin : Cassation de l’arrêt qui retient que la victime doit démontrer que le véhicule avec lequel il n’y a eu aucun contact a eu un comportement perturbateur — il s’agissait d’un cyclomotoriste qui a perdu le contrôle de sa motocyclette en dépassant un engin de fauchage — (commentaire ici). Il s’agit d’un rappel d’une jurisprudence constante selon laquelle le conducteur n’a besoin que de rapporter la preuve de l’implication du conducteur du véhicule adverse et non la faute de celui. La victime conductrice n’a pas non plus à apporter la preuve de son absence de faute de conduite : c’est à celui qui l’invoque d’en apporter la preuve.
  • Cour de cassation, 2ème Chambre civile, 2 mars 2017, 15-27523, Publié au bulletin, en application de l’interprétation de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale faite par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 :
      - Le préjudice d’établissement (modification du rôle de père de la victime) est inclus dans le déficit fonctionnel permanent et déjà réparé par la rente
      -  le préjudice permanent exceptionnel (découlant de l’impossibilité pour la victime de poursuivre un engagement religieux, politique ou associatif) n’est pas, au cas particulier distinct du DFP déjà réparé par le versement de la rente…

On ne manquera pas de noter l’extrême sévérité de la Cour de cassation qui fait une interprétation quasi exégétique de la décision du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010, la différence de traitement entre victimes de droit commun et victimes de faute inexcusable dans le cadre d’un accident du travail ne cesse de s’agrandir au fil des arrêts de la 2ème Chambre civile…

  • Cour d’appel de Versailles, 2ème chambre, 2ème section, 12 Janvier 2017 – n° 15/06625- jurisdata n° 2017-000351 : on ne tient pas compte des indemnités servies à la victime d’acte de terrorisme par le FGVTI dans le calcul de la prestation compensatoire (jurisprudence conforme aux arrêts de la Cour de cassation, voir par exemple : Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 18 décembre 2013, 12-29127, Publié au bulletin)
  • La circulaire relative à la mise en œuvre de la justice restaurative c’est à dire “s’appuyant sur le dialogue entre personnes se reconnaissant victimes et auteurs d’infractions, qu’il s’agisse des parties concernées par la même affaire ou non” a été signée le 15 mars 2017 (Cf communiqué de presse du ministère de la justice et circulaire ici)
  • Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 15 mars 2017, 15-27740, Publié au bulletin : un nouvel arrêt sur l’application du régime de la responsabilité des produits défectueux aux prothèses médicales. Entre deux producteurs d’une même prothèse, le recours prévu à l’article 1386-7 du code civil lequel est réservé dont la responsabilité de plein droit a été engagée en raison du défaut d’identification du producteur, ne peut s’appliquer, commentaire ici.
  • CA Aix-en-Provence, 10ème chambre, 2 févr. 2017, n° 15/18755, n° 2016/054 : JurisData n° 2017-004483 : Chute d’un enfant d’une chaise haute dans un restaurant : responsabilité contractuelle du restaurateur. Voir dépêche ici et commentaire ici.
  • Un article extrêmement intéressant de Madame Suzanne Carval relatif à la faculté pour les victimes de solliciter les intérêts compensatoires des préjudices - Recueil Dalloz 2017 page 414. Une piste à creuser pour les préjudices économiques de la victime ? En l’absence de jurisprudence, il faut aussi s’interroger sur la coexistence de ces intérêts compensatoires avec la possibilité pour la victime de solliciter le montant réévalué de ces préjudice (voir note 9 de la fiche d’information sur les PGPA) . Il nous apparaît cependant qu’ils peuvent se cumuler puisqu’il s’agit de mécanisme qui se complètent sans se substituer et sous réserve de tenir compte de la possibilité pour la victime de recevoir des provisions en avance de l’indemnisation de ses préjudices. Ainsi il serait tout à fait possible pour une victime de préjudice corporel de percevoir des intérêts compensatoires pour ses préjudices économiques (voire personnelles) déduction faite des provisions perçues. La façon de procéder à leur évaluation reste entière mais le recours à l’intérêt légal pour les particuliers créanciers paraît être cohérent.
  • Cour de cassation, 2ème Chambre civile, 23 mars 2017, n° 16-14456, afin de déduire des indemnités alouées à la victime d’infraction, en application de l’article 706-9 du code de procédure pénale, le capital d’une garantie souscrite, les juges du fonds doivent constater son caractère indemnitaire sans se limiter à l’affirmation que “ ce capital avait vocation à réparer la perte de revenus consécutive au décès”.
  • Cour de cassation, civile, 2ème Chambre civile, 23 mars 2017, 16-13350, Publié au bulletin - La Cour de Cassation rejette le pourvoi du FGTI qui critiquait l’indemnisation d’un préjudice d’affection à une victime par ricochet présentant un deuil pathologique qui avait par ailleurs été intégralement indemnisée, après expertise judiciaire, selon la nomenclature des postes de préjudice de la victime directe retenant que :

 Ayant justement énoncé que, parfois les préjudices subis par les proches d’une victime peuvent être de deux ordres, les uns subis dans leur propre corps, les autres résultant du rapport à l’autre, le déficit fonctionnel permanent et les souffrances endurées relevant du premier ordre, le préjudice d’affection du second et qu’ayant, d’une part, relevé dans l’arrêt partiellement avant dire droit du 6 février 2014 auquel les parties se référaient, qu’il résultait du rapport d’expertise judiciaire que Mme Y…-X…avait présenté à la suite de l’assassinat de son mari un syndrome dépressif majeur ayant nécessité un suivi très régulier par un psychiatre avec prescription de médicaments et entretiens psychothérapeutiques, qu’avant la consolidation de son état, fixée au 1er juin 2010, elle avait enduré des souffrances évaluées à 4 sur une échelle de 7 compte tenu du traumatisme et de l’intensité des soins et qu’elle conservait, après consolidation, un déficit fonctionnel permanent de 10 %, d’autre part, retenu que Mme Y…-X…, qui a perdu son mari à 53 ans et qui décrit le manque qu’elle ressent dans tous les aspects de leurs rapports, exprime des sensations qui ne relèvent pas d’une atteinte à l’élan vital ou à la santé ni d’une douleur mais de l’atteinte à un sentiment qui pourrait exister sans les conséquences pathologiques qu’elle subit, la cour d’appel, qui a ainsi caractérisé l’existence, en l’espèce, d’un préjudice d’affection résultant, pour Mme Y…-X…, de la douleur d’avoir perdu son conjoint, distinct de celui résultant de l’atteinte à son intégrité psychique consécutive à ce décès réparé au titre des postes des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent, n’a pas, en allouant la somme critiquée, indemnisé deux fois le même préjudice

Cet arrêt qui confirme que la victime indirecte présentant un deuil pathologique peut parfaitement prétendre à l’indemnisation de son préjudice d’affection en sus de ses propres préjudices corporels fera l’objet l’objet d’un commentaire ultérieur sur le site.