Les avocats de victimes du terrorisme, auteurs du Livre Blanc « Les préjudices subis lors des attentats », s’indignent suite à l’annonce de la position du Fonds de Garantie des victimes des actes Terroristes :
Les avocats de victimes des attentats terroristes, auteurs du Livre blanc sur les préjudices d’angoisse et d’inquiétude, ont pris connaissance de la position du Fonds de Garantie des victimes des actes Terroristes (FGTI) sur l’indemnisation de ces préjudices.
Ils prennent acte de ce que le FGTI, s’il a reconnu l’existence de ces préjudices dans leur principe, n’a souhaité tenir compte, pour envisager leur évaluation :
- ni du principe de réparation intégrale, qui régit pourtant l’indemnisation des victimes en droit français, - ni de la jurisprudence établie en matière de catastrophes collectives (Allinges, Queen Mary, Yemenia Airlines), qui a alloué des indemnités bien supérieures à celles évoquées par le FGTI,
- ni des conclusions d’experts (magistrats, professeurs de droit et psychiatres), formulées dans le Rapport Porchy-Simon, qui avait été demandé par les Ministres de la Justice et de l’Économie, et par la Secrétaire d’État à l’aide aux victimes,
- ni du Livre blanc, présenté en novembre 2016, dans lequel les avocats proposaient des critères objectifs pour évaluer ces préjudices au cas par cas.
Ainsi, préférant s’appuyer sur les travaux d’un groupe de travail interne qui n’ont jamais été publiés, le FGTI a notamment décidé d’exclure de l’indemnisation de nombreuses victimes, comme les proches de victimes survivantes, en ignorant l’inquiétude profonde qui a pu être la leur avant qu’ils ne soient finalement informés du sort de leur enfant, conjoint, parent ou ami, et qui a parfois duré des heures, voire des jours entiers.
En outre, le FGTI prévoit une indemnité de 2.000 à 5.000 € pour le préjudice d’angoisse des survivants, c’est-à-dire la crainte de la mort imminente ressentie pendant l’attentat (et non pas l’angoisse éprouvée après). Cette fourchette forfaitaire, étroite et plafonnée, fait obstacle à une indemnisation adaptée au vécu de chacun. Comment dans ces conditions marquer la différence entre une victime qui a pu immédiatement fuir et celle qui a dû attendre de longues heures, couchée dans la fosse du Bataclan ou prise en otage par les terroristes, certaine d’être aux portes de la mort ?
Outre leur faible modulation, ces sommes sont très peu significatives si on les compare à celles allouées dans des affaires de catastrophes collectives ou même de droit commun. Le recours à une expertise psychiatrique pour pouvoir y prétendre est, au surplus, contraire aux conclusions du Rapport Porchy-Simon et du Livre blanc et n’a jamais eu de précédent dans la jurisprudence. Pourquoi imposer cette épreuve supplémentaire aux survivants ?
Comment comprendre que pour le même préjudice (angoisse de mort imminente et non le décès lui-même), le FGTI alloue de 5.000 à 30.000 € aux victimes décédées, opérant ainsi une discrimination insupportable entre les morts et les vivants, et dénaturant totalement le sens même de ce préjudice ?
La position des avocats est claire : ils demandent que les victimes de terrorisme soient traitées à égalité avec les autres victimes, qu’elles ne soient pas des victimes « au rabais » sous prétexte qu’elles sont ou risquent d’être plus nombreuses. C’est une question de justice, d’équité, et de dignité.
Les avocats de victimes espéraient que le FGTI respecterait les engagements pris par Monsieur François Hollande, par la Secrétaire d’État à l’aide aux victimes, Madame Juliette Méadel, et repris par le Président de la République, Monsieur Emmanuel Macron, dans son discours à Nice. Pour des raisons purement budgétaires, il s’en éloigne radicalement. Aux côtés des associations de victimes, dont ils partagent la déception, les avocats sont maintenant contraints d’envisager les démarches nécessaires pour aboutir à des solutions conformes au droit et à la justice.
Fait, à Paris, le 29 septembre 2017.