Dans le foisonnement des nouveaux engins circulants sur la voie publique il n’est pas inutile de faire le point sur les définitions et le régime juridique (tant au regard du droit des assurances que des régimes de responsabilité en cas d’accident) des différents engins de déplacements personnels :

* Vélo à assistance électrique

Définition :

L’article R-311-1 du code de la route qui définit les différentes catégories de véhicules terrestres prévoit notamment s’agissant des cycles :

6.10. Cycle : véhicule ayant au moins deux roues et propulsé exclusivement par l’énergie musculaire des personnes se trouvant sur ce véhicule, notamment à l’aide de pédales ou de manivelles ;

6.11. Cycle à pédalage assisté : cycle équipé d’un moteur auxiliaire électrique d’une puissance nominale continue maximale de 0,25 kilowatt, dont l’alimentation est réduite progressivement et finalement interrompue lorsque le véhicule atteint une vitesse de 25 km/ h, ou plus tôt si le cycliste arrête de pédaler ;

On retiendra donc (outre que le monocycle n’est pas un cycle) qu’il faut trois conditions pour qualifier un VAE :

Trois conditions pour qualifier un VAE :

  1. - L’assistance électrique s’active SEULEMENT lorsque le cycliste pédale
  2. Cette assistance se coupe dès que le vélo atteint 25km/h
  3. La puissance MAXIMALE du moteur est de 250 Watts

Ce qui signifie qu’un VAE peut parfaitement rouler à une vitesse supérieure à 25 km/heures mais uniquement en étant propulsé à l’énergie musculaire.

En pratique, le certificat d’homologation émis par le constructeur doit être fourni par le vendeur (ils sont diffusés et téléchargeables en ligne car ce document est indispensable pour toute demande de subvention).

Conséquences :

Les vélos à assistance électriques qui ne répondent pas à une seule de ces conditions, par exemple en raison d’

- un moteur débridé

- une assistance sans pédalage

- une absence de pédales

sont considérés comme des cyclomoteurs selon les définitions de l’article R 311-1 du code de la route, soit un véhicule de la catégorie L1e : cyclomoteur)

Transformation par kit d’électrification

Les normes de construction d’un vélo électrique et d’un vélo traditionnel sont différentes (cf décret n° 2016-364 du 29 mars 2016 fixant les exigences de sécurité concernant les bicyclettes : normes ISO 4210 pour les cycles traditionnels et norme EN 15194 pour les VAE).

Toute modification des cycles mis sur le marché est donc proscrite.

Conséquence : un vélo « musculaire électrifié » ne peut pas rentrer dans les catégories des véhicules homologués et donc pas de certification possible.

Régime assurantiel

Un Vélo à Assistance Électrique est un « cycle » : pas d’assurance obligatoire et les dommages occasionnés avec sa conduite sont couvert par la garantie responsabilité civile[1].

Un « SpeedBike » ou tout autre vélo ne répondant à la définition du VAE est un véhicule terrestre à moteur qui doit faire l’objet d’une assurance obligatoire cyclomoteur.

Les vélos musculaires électrifiés par kit ne semblent pas assurables (pas de certificat d’homologation) et n’entre plus dans la catégorie « Cycle » : véhicule propulsé exclusivement par l’énergie musculaire des personnes se trouvant sur ce véhicule, notamment à l’aide de pédales ou de manivelles.

Régime d’indemnisation (Loi du 5 juillet 1985)

1 – Véhicule terrestre à moteur [2]

Un VAE homologué est un « cycle » et n’est pas considéré comme un véhicule terrestre à moteur au regard de l’article L 211-1 du code des assurances.

Pour les autres cycles ne répondant pas à cette définition, il entre dans la catégorie des véhicules terrestre à moteur devant faire l’objet d’une assurance obligatoire (L 211-1 code des assurances). Mutatis mutandis, ils devraient être considérés comme des VTM au sens de l’article L 211-9 du même code (L du 5 juillet 1985).

Si, je n’ai cependant pas trouvé de jurisprudence sur ce point précis, certains décisions sont à rapprocher :

* La mini-moto :

Cour de cassation, 2ème Chambre civile 2, 22 octobre 2015, 14-13.994, Publié au bulletin

Un enfant de 6 ans sur une « pocket bike » ou « mini-moto » a été considéré comme un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985 (indifféremment du fait qu’il soit soumis à l’obligation d’assurance ou non) :

Ayant constaté que la mini-moto pilotée par Shirley X… et dont M. Y… avait conservé la garde au moment de l’accident se déplaçait sur route au moyen d’un moteur à propulsion, avec faculté d’accélération, et ne pouvait être considérée comme un simple jouet, la cour d’appel qui n’avait pas à procéder à la recherche inopérante visée par le moyen [obligation d’assurance]en a exactement déduit qu’il s’agissait d’un véhicule terrestre à moteur au sens de l’article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

Il est donc probable qu’en application de cette condition (moteur à propulsion avec faculté d’accélération » et en l’absence de la définition légale de « cycle », un « non VAE », speedbike ou vélo électrifié, soit considéré comme un véhicule terrestre à moteur.

Déjà dans le même sens : Douai 29 juin 2000 et Aix-En-Provence 27 septembre 2007

* La tondeuse auto-portée :

Cour de cassation, 2ème Chambre civile , 22 mai 2014, 13-10.561, Publié au bulletin

La tondeuse auto-portée (à propulsion non manuelle) est qualifiée de véhicule terrestre à moteur.

* La trottinette thermique :

Cour de cassation, 2ème Chambre civile, 17 mars 2011, 10-14.938, Inédit

La trottinette thermique – à l’époque non homologuée et donc sans autorisation de circuler sur la voie publique– est un véhicule terrestre à moteur.

2 – Fonction de déplacement : quid du véhicule à l’arrêt / moteur arrêté

A  rapprocher de la jurisprudence sur le déplacement momentané des cyclomoteurs par le seul usage des pédales qui n’a pas pour effet de changer la nature de l’engin.

Cour de cassation, 2ème Chambre civile du 5 décembre 1990, 89-18.547, Inédit

Le conducteur d’un cyclomoteur a formé un pourvoi contre l’arrêt de Douai qui avait exclu son indemnisation pour faute en soutenant qu’il utilisait la fonction bicyclette de son engin au moment du choc. Son pourvoi est rejeté : «   le déplacement d’un cyclomoteur par le seul usage momentané des pédales, n’a pas pour effet de changer la nature de l’engin »

Outre les jurisprudences nombreuses sur les véhicules à l’arrêt ou en stationnement (qui constitue des faits de circulation) qui ne changent pas le régime d’indemnisation.

* EDP – et notamment engin de déplacement personnel motorisé :Trottinette à assistance électrique - Gyropode, hoverboard, monowheel ; hoverskate…

Les EDP sont entrés dans le code de la route par le décret n° 2019-1082 du 23 octobre 2019 relatif à la réglementation des engins de déplacement personnel.

Définition :

Article R-311-1 du code de la route qui définit les différentes catégories de véhicules terrestres

6.14. Engin de déplacement personnel : engin de déplacement personnel motorisé ou non motorisé ; –>

- 6.15. Engin de déplacement personnel motorisé : véhicule sans place assise, conçu et construit pour le déplacement d’une seule personne et dépourvu de tout aménagement destiné au transport de marchandises, équipé d’un moteur non thermique ou d’une assistance non thermique et dont la vitesse maximale par construction est supérieure à 6 km/h et ne dépasse pas 25 km/h. Il peut comporter des accessoires, comme un panier ou une sacoche de petite taille. Un gyropode, tel que défini au paragraphe 71 de l’article 3 du règlement (UE) n° 168/2013 du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2013 relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à deux ou trois roues et des quadricycles, peut être équipé d’une selle. Les engins exclusivement destinés aux personnes à mobilité réduite sont exclus de cette catégorie ;

- 6.16. Engin de déplacement personnel non motorisé : véhicule de petite dimension sans moteur.

Par ailleurs un EDP motorisé doit être muni de freins, de feux de position avant et arrière, de dispositifs rétroréfléchissants, d’un avertisseur sonore (décret du 23 octobre 2019).

Règles de circulation :

* Trottinette sans moteur (ou skate, long board et autres supports à roulettes non électrifiés et monocycle qui ne répond pas à la définition du cycle)

Assimilée à un piéton : doit circuler sur les trottoirs (contrairement aux annonces du ministère de l’intérieur, aucune règle de circulation particulière, les contraventions qui s’appliquent aux trottinettes sont celles prévues pour les piétons : obligation d’emprunter les passages-piéton à moins de 50 m. interdiction de rouler sur la route sauf si mauvais état du trottoir etc…) Cf. articles R412-34 à 43 code de la route : règles de circulation spécifiques aux piétons.

* Engin de déplacement personnel motorisé

Obligation de circulation particulière depuis le 1er juillet 2020 définie aux articles R412-43-1 à R412-43-3 : « Circulation des engins de déplacement personnel motorisés » (qu’il peut être intéressant de connaître pour la détermination d’une faute de conduite ou non).

Notamment : ne pas transporter quelqu’un, ne pas circuler sur les trottoir -sauf dérogation municipale, ne pas dépasser 25 km/h, en ville circulation obligatoire sur les pistes si elles existent et la nuit port d’un vêtement réfléchissant, casque obligatoire hors agglomération…

Régime assurantiel

Obligation de souscrire une assurance de responsabilité civile (L211-1 code des assurances y compris dans le cas d’un service de location d’EDPM en libre-service (free-floating) et absence de garantie par assurance responsabilité civile classique qui exclut les dommages couverts par une assurance obligatoire.

Problème : l’assurance est-elle incluse ou non dans la location ?

Au mois de mai 2021 : seuls 5 opérateurs sur 12[3] intégraient l’assurance des trottinettes mises en location de sorte de la grande majorité des EDPM de location ne sont pas assurés.

Cependant, il convient de rappeler qu’en droit français, l’obligation de souscrire l’assurance de responsabilité incombe à tout propriétaire de véhicule (ce qui devrait permettre au FGAO de recourir contre le propriétaire des engins mis en location).

L’article L 211-1 c. ass précise également :

« Toute personne physique ou toute personne morale autre que l’Etat, dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d’atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, doit, pour faire circuler celui-ci, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité … »

Dans tous les cas, le responsable (et éventuellement le propriétaire en cas de défaut d’assurance) engage son patrimoine en cas de défaut d’assurance.

Régime d’indemnisation (Loi du 5 juillet 1985)

1 – Véhicule terrestre à moteur

Arrêt déjà cité de la Cour de cassation, 2ème Chambre civile, 17 mars 2011, 10-14.938 : La trottinette thermique – à l’époque non homologuée et donc sans autorisation de circuler sur la voie publique– est un véhicule terrestre à moteur. Elle l’est a fortiori quand elle est autorisée à circuler avec une assurance obligatoire.

Également en ce sens : CA NIMES, 1ère ch. A, 23/02/2010, RG n° 08/00062, Numéro JurisData : 2010-013523

Attention donc à la qualification de la faute du conducteur au regard des obligations particulières du code de la route articles R412-43-1 à R412-43-3.

2 – Fonction de déplacement : quid du véhicule à l’arrêt / moteur arrêté

Voir plus haut.

Il est probable que la jurisprudence vienne préciser rapidement sa position compte tenu de la différence de régime entre EDPM et EDP.

Fauteuil roulant électrique

Définition :

Il n’existe aucune définition dans le code de la route :

Les seules mentions dans le code de la route figurent dans les règles qui concernent le piéton :

* Article R412-34

II. - Sont assimilés aux piétons :

1° Les personnes qui conduisent une voiture d’enfant, de malade ou d’infirme, ou tout autre véhicule de petite dimension sans moteur ;

* Article R412-35 Code de la route alinéa 3  :

Les infirmes qui se déplacent dans une chaise roulante peuvent dans tous les cas circuler sur la chaussée.

Régime assurantiel

cf Question ministérielle (initiée par l’APF) du 29/7/2014 et la réponse ministérielle du 9 juin 2015. :

L’assurance est obligatoire car il s’agit stricto sensu d’un « véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même non attelée »[4].

Cependant, le fauteuil roulant étant assimilé à un piéton par le code de la route, cette assurance peut être « remplie par la souscription d’une assurance multirisques habitation ou de toute assurance responsabilité civile dès lors qu’elle couvre la responsabilité civile de toutes les personnes ayant la garde du véhicule ».

Au trébuchet des dispositions du code des assurances, je ne suis pas totalement convaincue par le bien fondé de cette réponse, et il est notable que s’agissant des trottinettes électriques le gouvernement a soutenu une solution totalement contraire en ce qui concerne les assurances de responsabilité civile habitation et multirisques (absence de garantie car VTM)…

Régime d’indemnisation (Loi du 5 juillet 1985)

1 – Véhicule terrestre à moteur ?

L’affaire récente aboutissant à l’arrêt de la 2ème Chambre civile du 6 mai 2021 :

Une jeune fille présentant un trouble moteur cérébral et d’une hémiplégie droite circulait en fauteuil roulant électrique (en traversant plusieurs voies de circulation de nuit) quand elle a été percutée par une voiture. Si le Tribunal de Grande Instance de Toulon (19 nov. 2018) lui a reconnu un droit à indemnisation total, la Cour d’appel d’Aix en Provence (30 janvier 2020) a décidé que le fauteuil roulant électrique était un véhicule terrestre à moteur et a limité le droit à indemnisation de la victime en raison de la faute par elle commise.

Arrêt de la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation en date du 6 mai 2021, 20-14.551, publié au bulletin :

Vu les articles 1er, 3 et 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tels qu’interprétés à la lumière des objectifs assignés aux États par les articles 1, 3 et 4 de la Convention internationale des droits des personnes handicapées[5] du 30 mars 2007 :

8. Selon ces dispositions, la loi du 5 juillet 1985 s’applique, même lorsqu’elles sont transportées en vertu d’un contrat, aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l’exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres.

9. Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute, à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident.

10. Enfin, la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis.

11. Par l’instauration de ce dispositif d’indemnisation sans faute, le législateur, prenant en considération les risques associés à la circulation de véhicules motorisés, a entendu réserver une protection particulière à certaines catégories d’usagers de la route, à savoir les piétons, les passagers transportés, les enfants, les personnes âgées, et celles en situation de handicap.

12. Il en résulte qu’un fauteuil roulant électrique, dispositif médical destiné au déplacement d’une personne en situation de handicap, n’est pas un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985.

 

Également en ce sens : Cour d’appel de Douai n° 20/01054, jurisdata 2021-008596.

Cette solution logique s’inscrit dans la longue suite de la jurisprudence de la Cour de cassation qui a toujours assimilé les dispositifs médicaux aux fonctions qu’ils remplaçaient, de surcroît retenir une autre solution aurait eu pour effet de priver de la protection mise en place par la loi Badinter les plus faibles d’entre nous…[6]

* Conséquence : la qualification juridique du fauteuil roulant dépend de la qualité de son usager et il est possible qu’un glissement s’opère quant à la qualification du handicap. A mon sens c’est surtout dans l’hypothèse du vol ou de l’emprunt par jeu que le risque de qualification en VTM existerait et une discussion intéressante sur la garantie responsabilité civile (plutôt non) / accident de circulation et prise en charge par le FGAO (plutôt oui) pourrait survenir.

 


[1] Il n’existe pas d’immatriculation à proprement parler des cycles. Il s’agit d’un marquage obligatoire pour lutter contre le vol - Décret n° 2020-1439 du 23 novembre 2020 relatif à l’identification des cycles et arrêté du 29 décembre 2020 relatif à l’identification des cycles.

[2] Il n’existe pas de définition du véhicule terrestre à moteur dans la loi du 5 juillet 1985.

Le code des assurances en contient deux définitions :

* L 110-1 comme « « le terme de “véhicule à moteur” désigne tout véhicule terrestre pourvu d’un moteur à propulsion, y compris les trolleybus, et circulant sur route par ses moyens propres, à l’exception des véhicules qui se déplacent sur rails »

* L 211-1 : « tout véhicule terrestre à moteur, c’est-à-dire tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même non attelée »

[3] Source : https://www.luko.eu/fr/conseils/guide/enquete-assurance-trottinette-electrique-free-floating

[4] Définition de l’article L 211-1 c. assurance.

[5] Il semble que ce soit la première fois qu’une décision de la Cour de cassation soit rendue avec un visa à la Convention internationale des droits des personnes handicapées.

[6] Pour une appréciation totalement contraire : commentaire de Gilles RAOUL-CORMEIL à la semaine juridique n°28, 12 juillet 2021, page 1345.